A Turtle in a Kitchen

a déménagé

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Désolée pour le dérangement...

A Turtle in a Kitchen: août 2008

août 23, 2008

Quinze jours pour recharger les batteries



C'est une évidence, plus les années passent, plus les retours sont durs. Une semaine que je suis rentrée, et que je reste là, immobile ou presque, à observer la bête, à la jauger, à nouveau terrorisée, me demandant par quel angle je vais pouvoir la (re)prendre.


Combien je comprends lorsque certaines se disent qu'elles n'auraient pas dû couper... et prendre le risque de retrouver cette sensation d'être perdue au milieu de l'océan...





Tout en sachant que c'était prendre le risque d'un retour délicat, j'avais opté pour 8 jours de vacances puis 8 jours de travail en terre bretonne, afin de tenter de me requinquer en prévision du dernier effort. Pourtant, une fois confortablement installée dans la voiture, pendant que les 9 longues heures de la route-pélerinage s'égrainaient, la Turtle, frémissante de pouvoir enfin s'aérer l'esprit, répétait inlassablement en mon for intérieur que 2 semaines de relâche s'imposaient, après 5 ans de travail quasi ininterrompu, et au diable la culpabilité !
Je revois la tête de mon père, découvrant dans le fatras de douze valises (la Bretagne a cela de bien qu'elle vous permet d'aérer d'un coup d'un seul vos affaires d'été et d'hiver, et d'alterner les deux gardes robes en un temps record, ce qui exige un minimum de valises, quoi qu'en disent les hommes de ma famille! ), un énorme sac, rempli de 50 kg de bouquins et notes manuscrites. Et celle, lorsqu'il su, après s'être démis l'épaule à le porter, que tout compte fait, celui-ci ne connaitrait de la Bretagne que le chemin allant du coffre au placard, et inversement! Mort de rire derrière ses jérémiades, content comme tout de voir que je lâchais enfin, et commençant déjà à négocier la date du départ, deux semaines ne faisant selon lui que 14 jours et pas 15...



Alors, et cette Bretagne?

Inchangée, et pourtant différente, elle m'attendait patiemment.

Dès les premiers instants, elle m'a emportée, au fil des vagues, me faisant frôler du doigt les grains, splendides, à l'horizon.

Remonter sur le Stolvezen, en dépit de l'orage menaçant, sans remettre jamais en cause la capacité de la Bretagne à surprendre le bienheureux d'une éclaircie
Sentir la vague, réapprendre les nuances iodées de l'air et les palettes de bleu, de gris et de vert, qu'elle seule sait mettre ainsi en valeur. Apercevoir la risée, brossant l'eau au loin
Sous un ciel lourd de nuages et de nuancesRetrouver, dans la pénombre, certains points de repères


Etre récompensée de quelques rayons de soleil, faisant ressortir d'un coup les tâches de rousseur dissimulées par l'hiver




M'échouer de longues heures, au milieu d'îles désertées par les touristes, que nous prenions d'assaut.




Arpenter les sentiers de ma Bretagne, de mes Pink Stones familières...


Phare de Ploumanach, Côtes d'Armor


Trébeurden, Côtes d'Armor
L'île Grande, Trébeurden, Côtes d'Armor


... aux Black Stones, aimées par d'autres âmes-soeurs bretonnes, mon chemin me conduisant enfin en certains havres de paix.


Instant hors du temps, bouffée d'oxygène au milieu des tempêtes qui s'acharnaient parfois à exploser, en dépit de la trève estivale.
Phare de l'île Vierge, Finistère
Les abers, Finistère



J'ai ainsi redécouvert, jour après jour, les bienfaits de celle qui m'accueille toujours, sous un ciel sombre ou un rayon bienfaisant dont je savoure chaque seconde, rendu seulement meilleur par sa rareté.


Eclaircie sur quelque chemin du Finistère, près de Lannilis, face au Phare de l'île Vierge


J'ai réappris à boire du regard cette côte, que je trouve si émouvante lorsqu'elle se livre, tout en dénuement et reflets


Baie de St Michel-en-grèves, Côtes d'Armor



Cette mer qui laisse ses bateaux orphelins d'eau, quelques heures, échoués sur le sable.


Port de l'île de Batz, marée basse



Je suis repassée par quelques coins découverts l'an passé avec mon père, y conduisant ceux qui nous accompagnaient cette année pour ce périple breton et familial.


Port de Roscoff, Finistère

Cale de l'Ile de Batz, Finistère


J'ai respiré, à grands poumons, en marchant sur la grève, couru dans des bains de vagues énormes, chariant sable et algues, avec Grand Yo, ma Ratatouille et ma P'tite Caille, dès que le soleil pointait un rayon, et même sous les averses soudaines, lesquelles me forçaient à me tremper plus vite encore dans une eau à 18 degrés. J'ai pêché la crevette de nuit, sous un crachin à geler jusqu'à l'os une turtle, même habituée à cet exercice et aux intempéries bretonnes, et faisant de la perspective d'une douche chaude prise dès l'arrivée le summum des bonheurs et la seule des pensées se frayant un chemin dans le froid. Et j'ai posé mon fardeau, enfin.

J'ai rouvert les yeux et repris le temps de contempler ce que l'on oublie trop vite de regarder.


J'ai savouré chaque instant.



Phare de l'Ile de Batz, Finistère



Port de Roscoff, Finistère




J'aurais aimé que ces jours s'étirent encore et encore, tant ils m'ont paru courts, tellement insuffisants pour me permettre de me relancer dans la bataille, fraîche et pleine d'énergie. Les larmes m'ont noué la gorge lorsqu'il a fallu refaire cette valise que je ne voulais plus remplir, plier le maillot et la serviette, ranger les bottes et le ciré... Je n'ai pas voulu croiser le regard de mon père, lorsqu'il a fallu allumer le moteur et fermer la portière.
Une chose est sûre, en tous cas, quinze jours constituaient un minimum ...
Trébeurden, Côtes d'Armor


Et cette promesse faite à moi-même en regardant le bitume noir et blanc défiler le front collé à la fenêtre : je ne serai plus la même, l'an prochain. Quand je reviendrai taper dans le dos de mes amis de vacances, ces amis de quinze ans, qui m'ont vu évoluer et grandir en raccourci, -les retrouvailles annuelles créant cette drôle d'impression "d'avance rapide sur images" ( tiens, tu es mariée? tiens, tu es enceinte? tiens, tu as accouché? )-, je l'aurai vaincue.


Conté par Alhya at 8/23/2008 01:52:00 PM | 39 comments